Un jeu africain ? Proche-oriental ? Européen ?

Ce plateau de jeu a connu un itinéraire mouvementé : il a sans doute été fabriqué aux Pays-Bas ou en Allemagne à la fin du 17e siècle, dans un bois très recherché, le palissandre importé des Amériques. À l’époque, le mancala a été introduit en Europe à la faveur des liens commerciaux avec le Proche-Orient. L’objet, dont la signification s’est ensuite perdue, est alors passé de main en main en tant que beau morceau de sculpture baroque jusqu’à son entrée, en 1909, dans les collections du Musée d’art et d’histoire de la Ville de Genève. Reconnu en 1970 par un visiteur comme le jeu africain de l’awele, parent du mancala, il est envoyé au MEG qui, dans un premier temps, le refuse en raison de sa facture européenne. Aujourd’hui, les temps ont changé et son parcours donne à ce plateau de jeu la valeur d’un témoin des aléas de la rencontre. S’intéresser à la seule origine des objets, c’est voir les musées comme des fenêtres ouvertes sur des peuples lointains. S’attacher à reconstituer les péripéties qui ont transformé un objet en « objet de musée », c’est aller à la découverte de l’histoire des relations entre les cultures.

Danielle Buyssens
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