Exhibitions coloniales et identité nationale
L’Exposition nationale suisse de 1896, « Village noir »
Les avancées de la conquête coloniale se matérialisent en Europe au 19e siècle sous plusieurs formes, y compris dans le spectacle. Les « zoos humains » étaient des attractions à vocation touristique. Clôturé-e-s dans des parcs ou jardins botaniques, des autochtones provenant de territoires colonisés étaient forcé-e-s de mettre en scène leur quotidien pour divertir le public européen. Un « Village noir » a été aménagé au Parc de Plaisance de Genève à l’occasion de l’Exposition nationale suisse de 1896. Des dizaines de milliers de personnes ont pu ainsi observer de près ce qui leur était présenté comme un peuple en bas de la hiérarchie humaine. Les exhibitions humaines ont contribué à développer et diffuser les stéréotypes racistes en Europe, mais aussi à façonner les identités nationales. À l’époque où ce continent est dominé par les patriotismes, l’identité des nations s’affirme grâce à la confrontation directe avec l’altérité. La Suisse ne fait pas exception en cela.
Fabio Rossinelli
Avertissement : Certains contenus présentent des images ou des termes à caractère raciste et discriminant.
Ce sont des témoins historiques de la pensée hégémonique occidentale.
Leur présence est signalée par ce symbole.
Leur présence est signalée par ce symbole.
Le MEG conserve les 85 objets vendus lors de la faillite du « Village noir ». La liste de leur achat par le Musée archéologique en 1896 énumère seulement leurs apparences et usages supposés. Les inventaires du Musée d’ethnographie vont ensuite leur imaginer une origine géographique précise, par déduction « stylistique », occultant la raison de leur présence à Genève, leurs identités confuses ou plurielles, au profit d’une description ethnographique standardisée, et donc erronée. Sous la plume d’Émile Yung (1854-1918), alors professeur d’anthropologie raciale et client assidu du « Village noir » pour ses « mesures », la presse de 1896 promeut : « une salle remplie d’objets d’art, statuettes en bois et en ivoire, bibelots de tous genres, meubles, etc. qui n’est pas l’une des moindres curiosités de cette exposition ». Impossible de savoir s’il s’agit du lot saisi par l’Office des poursuites comme de comprendre la valeur qu’ont accordée les familles exhibées aux objets laissés sur place. F. Morin/MEG