Collections coloniales et violence symbolique

Les gardiens de reliquaires Kota
La relation entre Jean-Didier Ekori, Jean Lignongo et le MEG s’est nouée autour des gardiens de reliquaire Kota qu’ils considèrent comme leurs ancêtres ; le Musée les détient, les expose et les publie en valorisant leur statut d’objets funéraires. Ces gardiens sont devenus des fragments, lorsqu’ils ont été arrachés aux reliquaires qu’ils protégeaient sur un autre continent, durant l’ère coloniale. Ici, leur vie muséale se résume au silence d’une réserve, aux spots d’une vitrine ou à une page de catalogue.

Les conquêtes militaires, l’administration coloniale et le marché de l’art sont le ciment de la « collection Émile Chambon ». Cet artiste du 20e siècle l’a assemblée par héritage, puis par passion, dans la mouvance primitiviste. Sur les images et les archives qui la documentent, les gardiens de reliquaire Kota sont omniprésents, mais c’est en miroir qu’ils se racontent ici pour une fois, par les voix de leurs héritiers culturels originaires de l’aire culturelle Kota, qui ne les ont pas oubliés.

Floriane Morin


“That’s no Moon” [geste 2]

Mathias C. Pfund. 2024
L’Étoile [noire] du Bénin (1931), autoportrait d’Émile Chambon dans les habits de son oncle François-Clément Coppier, administrateur colonial en Afrique Équatoriale française, huile sur toile, don d’Alain Glauser en 2018
MEG Inv. ETHAF 068775

Le cadre du tableau est monté à l’envers sur la peinture. Une dimension spéculaire travaille le genre de l’autoportrait, et le retournement du cadre renforce la fiction d’un autre côté du miroir. M. C. Pfund

  MathiasCPfund. Insides Out   [PDF 8 Mo]
Album de François-Clément Coppier
Tirages photographiques et cartes postales coloniales du Gabon
Début du 20e siècle.
MEG Inv. ETHPH 87.03

Réhabilitation symbolique des reliquaires Kota

Les figures Kota sélectionnées pour cette exposition portent le poids de la rencontre entre l’Europe et l’Afrique. Arrachées aux reliquaires qu’elles gardaient, elles sont précisément le témoin de la violence symbolique exercée par le colonialisme et les missionnaires sur les religions locales. Le culte des ancêtres, caractérisé par la dévotion portée aux reliques des parents défunts, est la religion fondamentale des peuples Kota. Il se manifestait par le prélèvement et la conservation de certains os des anciens du lignage. Ceci explique la vénération pour les N’kobè (paniers) et les gardiens de reliquaires. Ces derniers sont au cœur des rites qui font appel à l’esprit des ancêtres. On peut rétablir aujourd’hui la place des reliquaires, en montrant que si la figure sculptée a été reconnue pour ses qualités artistiques, les paniers de reliquaires en revanche, brûlés, jetés ou cachés en forêt, constituent une perte pour les Kota.
J.-D. Ekori et J. Lignongo

Jean-Didier Ekori et Jean Lignongo

Jean-Didier Ekori est docteur en sciences politiques (Université de Dijon) et a mené des recherches concernant l’impact du tourisme sur l’art Bamoun au Cameroun. Jean Lignongo est docteur en géographie (Université Lyon II) et a exercé dans l’enseignement et l’aménagement urbain. Chercheurs d’origine Kota, ils étudient depuis de nombreuses années la culture des peuples du Bassin du Congo et spécialement des Kota du Congo et du Gabon.
©Photo Johnathan Watts/MEG
Témoignage de Jean Lignongo & Jean-Didier Ekori
Mai 2024
© MEG 2024
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